- ÉLECTEURS D’EMPIRE
- ÉLECTEURS D’EMPIREÉLECTEURS D’EMPIREDans la tradition franque, le roi est acclamé par le peuple, en réalité par les hommes libres en état de porter les armes: les Freiherrn , qui sont les barons de l’époque féodale. Ils sont regroupés en nations dans la partie germanique de l’Empire carolingien: Bavarois, Souabes et Saxons (peuples soumis par les Francs à l’époque des Mérovingiens et de leurs successeurs), et Franconiens, descendants des Francs. À la tête de chaque nation se trouve un duc, nommé par le roi de Germanie. D’autre part, dans le système carolingien, les prélats, en particulier les archevêques de Mayence (en Franconie), de Cologne et de Trèves (dont dépend l’évêché d’Aix-la-Chapelle, la capitale impériale), exercent de hautes fonctions politiques. Du fait de leur puissance et de leur rôle de conseil à la Cour, ducs et archevêques exercent une influence prépondérante quand il s’agit de choisir un souverain, c’est-à-dire à la mort du dernier descendant en ligne directe des Carolingiens d’Allemagne, Louis III l’Enfant (911). Le duc de Franconie est alors choisi par l’assemblée des nobles; à l’assemblée des Fritzlar (919), c’est le duc de Saxe, comme il était entendu entre les Conradins de Franconie et les Liudolfinger saxons. En 936, à Aix-la-Chapelle, les grands élisent Othon que Henri Ier avait désigné. Celui-ci se fait sacrer ensuite (7 août). Désormais, le roi de Germanie est élu par les grands, rassemblés par nation et représentés par leur duc et par le haut clergé, avant d’être sacré. Il devient empereur quand il est couronné à Rome par le pape (962, pour Othon Ier), mais il n’y a alors aucune intervention des Électeurs. Les Électeurs font le roi, le pape fait l’empereur. Ainsi s’explique la prétention de certains pontifes à vouloir choisir l’empereur, ce que les Électeurs refusent dans la mesure où ils considèrent que celui-ci est leur souverain et qu’ils n’ont à en recevoir de personne sinon d’eux-mêmes.A priori, le fils aîné du roi ou de l’empereur régnant est élu de préférence à un autre, mais il lui faut parfois monnayer son élection. Dès le règne des Ottoniens se prend l’habitude de le faire élire du vivant de son père afin de lui assurer une succession plus facile. Le rôle des Électeurs, quand il n’y a pas d’héritiers directs, est déterminant: l’intérêt des nobles étant de préserver leurs avantages, ils veillent à choisir celui des candidats qui n’est pas le plus puissant.En 1038, une assemblée de princes et d’archevêques se réunit avant le Reichstag (diète d’Empire ou assemblée des nobles) et lui propose son candidat. Le collège des Électeurs s’est créé pour l’élection du premier Hohenstaufen. Il est constitué des ducs de Franconie, de Saxe, de Souabe et de Bavière et des trois archevêques de Mayence, de Cologne et de Trèves. La Franconie est ensuite remplacée par le comte palatin du Rhin, celui de Bavière sous Frédéric Barberousse par celui de la Bohême, celui du duché de Souabe qui disparaît avec les Hohenstaufen par celui de Brandebourg. Les sept Électeurs assument les fonctions d’officiers de la Couronne.Sous le règne de Louis IV de Bavière, devant la volonté de Jean XXII de choisir le roi de Germanie ou roi des Romains, les Électeurs rédigent à Rhens une loi électorale (juin 1338) où ils affirment que seul le collège électoral est apte à élire le roi, qui est automatiquement empereur d’Occident. Ce texte devient à la diète de Francfort le code Licet juri , promulgué devant les représentants des villes et de la petite et de la moyenne noblesse.Charles IV de Luxembourg complète ce document et le fait accepter aux diètes de Nuremberg et de Metz (1355-1356): c’est la Bulle d’or datée du 25 décembre 1356. Désormais est roi celui qui a la majorité des voix. Les Électeurs ont le statut de conseillers permanents du royaume. Le comte palatin du Rhin et l’Électeur de Saxe sont régents en cas de vacance du trône.À partir de 1438, l’Empire reste dans la famille des Habsbourg et le problème du choix disparaît: être Électeur est une dignité qui permet en cas d’élection de toucher éventuellement de forts subsides du roi de France s’il se mêle de vouloir intervenir. Par contre, la politique des empereurs catholiques sera de veiller à maintenir l’équilibre entre Électeurs catholiques (les trois ecclésiastiques, le roi de Bohême qui est un Habsbourg) et protestants (Brandebourg, Saxe, Palatinat). Quand les Tchèques appellent un protestant au trône de Bohême, l’empereur se bat pour défendre le statu quo ante : ainsi commence la guerre de Trente Ans, pendant laquelle le duc de Bavière catholique devient Électeur à son tour en lieu et place du comte palatin calviniste. Celui-ci retrouve ses privilèges par les traités de Westphalie: il y a donc alors huit Électeurs. Il y en aura neuf en 1692 avec le Hanovre protestant et dix en 1803 avec la Hesse-Cassel. Mais leurs fonctions sont supprimées quand Napoléon Ier raie de la carte l’Empire germanique (1er août 1806).La dignité électorale se transmet, de manière indivisible, au premier-né afin qu’il n’y ait aucune possibilité d’erreur sur la personnalité des Électeurs, donc des voix qui font le roi. Sur leurs terres, ils jouissent de tous les droits régaliens et leur justice est souveraine, sauf déni de justice. Ils ont le statut de roi, tout crime sur leur personne est considéré comme crime de lèse-majesté. Ils ont le pas sur tous les autres princes dans l’Empire.
Encyclopédie Universelle. 2012.